
La deuxième banque suisse est à la recherche d’un nouveau directeur général. Heinz Huber va quitter, à la fin de cette année, l’établissement qu’il a remis sur les rails après l’ère Vincenz. Son bilan est cependant entaché par l’échec coûteux d’un projet d’application
Après six ans à la tête de l’établissement coopératif, Heinz Huber va quitter Raiffeisen dès la fin de l’année. Le Zurichois de 60 ans va rejoindre la Banque cantonale des Grisons en tant que président à partir du mois de juillet 2025, «passant ainsi à l’échelon de la conduite stratégique», a annoncé mercredi Raiffeisen dans un communiqué.
Le processus de succession est d’ores et déjà lancé. Christian Poerschke, actuel responsable du département Finances & Services et vice-président de la direction, assurera l’intérim à la tête du numéro deux bancaire helvétique depuis l’effondrement de Credit Suisse. Heinz Huber a «grandement contribué à étendre l’activité bancaire du groupe et à renforcer le développement de Raiffeisen Suisse», écrit l’établissement. Ces six dernières années, Raiffeisen a «étoffé ses opérations avec la clientèle dans tous les domaines d’activité et a enregistré de solides résultats financiers», souligne la banque saint-galloise.
«Heinz Huber a pris la présidence de la direction de Raiffeisen Suisse à une époque très délicate. Il a dirigé l’entreprise avec prudence et succès au fil du temps, d’une main de maître», affirme le président du conseil d’administration Thomas Müller. A l’époque, l’ex-patron de la Banque cantonale de Thurgovie avait succédé à Patrik Gisel, qui avait démissionné dans le contexte de l’affaire Vincenz, du nom de l’ancien banquier star déchu Pierin Vincenz.
Période tumultueuse
La chute du Grison, qui avait dirigé la banque entre 1999 et 2015, a été aussi spectaculaire que son ascension. Le Tribunal de district de Zurich avait condamné l’ex-patron de Raiffeisen et quatre de ses associés en avril 2022 à des peines allant jusqu’à plusieurs années de prison. Pierin Vincenz avait écopé de trois ans et neuf mois de réclusion pour gestion déloyale par métier, abus de confiance, faux dans les titres et d’autres délits. En février dernier, la Cour suprême du canton de Zurich avait annulé le jugement de première instance en raison de «graves vices de procédure».
Heinz Huber a contribué à rétablir le calme au sein du groupe après une période mouvementée. L’annonce de son départ surprend, puisque le patron de Raiffeisen affirmait encore en août dernier dans les colonnes du Blick qu’il n’envisageait pas de démissionner. Ces derniers mois, la banque a notamment profité de la chute de CREDIT SUISSE pour accroître sa clientèle commerciale. A la fin de juin 2024, Raiffeisen gérait des actifs à hauteur de 258 milliards de francs. Le groupe est également un acteur incontournable du financement hypothécaire, avec une part de marché de près de 18%.
Sous la direction de Heinz Huber, Raiffeisen a progressé sur tous les plans. Le bénéfice du groupe est passé entre 2019 et 2023 de 835 millions à 1,39 milliard de francs. Le résultat des opérations d’intérêts, cœur de l’activité de la banque, a lui augmenté de 2,3 à 3,1 milliards. L’augmentation de 50% à 624 millions du résultat des opérations de commissions montre que la banque a également pu croître dans le domaine des placements.
Couac informatique
Si la banque coopérative dispose du réseau d’agences le plus dense de Suisse avec 779 sites répartis dans tout le pays, elle a cependant accumulé du retard dans les services numériques par rapport à la concurrence. Raiffeisen voulait y remédier en développant une nouvelle application, censée réunir dans un même portail tous ses services. Mais le projet, pour lequel plus de 100 millions de francs ont été injectés, a pris du retard. Le grand lancement de l’app a été annulé à l’automne. Un couac qui entache le bilan de Heinz Huber. «La suite du développement de l’app Raiffeisen est en cours de planification, c’est pourquoi aucune déclaration ne peut être faite à ce sujet actuellement», indique un porte-parole au Temps.
En reprenant la présidence de la Banque cantonale des Grisons (GKB), Heinz Huber va succéder à Peter Fanconi. Ce dernier a été éclaboussé par la chute du magnat autrichien de l’immobilier René Benko. Son groupe Signa, en faillite, avait obtenu un crédit de plus de 60 millions de francs de la part de la GKB. Mandaté par la banque, le cabinet d’audit EY avait conclu que l’octroi de ce prêt était en règle, considérant notamment que le rôle de Peter Fanconi s’était limité à la mise en contact des parties. Le rapport n’avait toutefois que partiellement convaincu le Conseil d’Etat grison.